Sophie Chassat avait écrit un livret "Découvrez avec Kant les vertus de l'hypocrisie" dans lequel, elle parlait de 50 paradoxes loufoques de philosophes.
Parler des différences facettes de la philosophie de manière exhaustive et chronologique passe par l'art de vivre au travers des philosophes de l'histoire (1) et (2). L'erreur serait de penser que l'histoire se répète et que le passé serait plus que des références.
Ici, l'auteur mélange les vertus de l'hypocrisie, la profondeur du superficiel, le caractère ordonné du désordre, le sens de l'absurde, l'aspect savant de l'ignorance, le côté positif du négatif, du potentiel philosophique de la gym.
L'hypocrisie est l'attitude morale par laquelle on exprime des sentiments, des opinions que l'on n'a pas ou que l'on n'approuve pas. En fait, sans parfois s'en rendre compte, elle suit une stratégie secrète bien personnelle.
Le Tartuffe de Molère en serait le symbole par la voie du mensonge. L'utilitarisme et la stratégie sociale, son pardon.
En cette période troublée par des crises multiples, en perte de valeurs, les philosophes sont plus écoutés pour tenter d'expliquer aux autres, ce que peut être l'art de vivre en société.
Les philosophies du passé, s'ils servent de bases et de garde-fous, doivent subir quelques adaptations pour être transposées dans notre modernité de technologies et de compétitions multiples.
Ces idées, réunies, mélangées, choisies indépendamment de leurs auteurs, elles sont misent en exergue:
- Faire le procès de l'hypocrisie, ce serait la même chose que de considérer que les spectateurs d'une pièce ne savent pas qu'ils sont au théâtre. De la contrainte extérieure émerge l'obligation intérieure à faire des salamalecs qui cachent des tartuferies. La douceur est le tempérament qui caractérise au mieux la sensibilité démocratique, mais, pervers, il conduit à l'amollissement des âmes.
- Le ballet social n'aime pas les danseurs qui se prennent les pieds dans la robe de leur partenaire et en rire est une affaire très sérieuse qui sanctionne un comportement social inadéquat sans pour cela franchir la limite qui sépare le compromis de la compromission.
- L'orgueil, le luxe, la dépravation, la malhonnêteté sont le ressort de l'opulence générale et du bien public.
- Entre la valeur et la réalité, il y a toute la distance qui sépare ce qui doit être de ce qui est. Le désaccord, l'objection, la contestation, le conflit, la discordance comme figures de l'opposition sont nécessaires pour la formulation d'une idée valable.
- Des gens qui énumèrent des vérités peuvent être d'une bêtise crasse: il suffit qu'ils y adhèrent sans les interroger. L'antidote est l'humilité avec une force d'étonnement iconoclaste. Aucune affirmation pour si solidement étayée qu'elles se présente, n'a une force irrésistible.
- A côté de la pensée savante, domestiquée, la pensée sauvage est tout aussi légitime et logique. Le plus insignifiant, le plus littéralement ignoble, rebut ou résidu prend un sens. Si votre interlocuteur n'a pas droit à la vérité, vous n'avez aucun devoir de vérité à son égard.
- Dans toute attirance, il y a le sujet, l'objet et le modèle. L'autre n'est jamais aimé pour lui-même, mais pour ce qu'il apporte comme plaisir ou utilité, comme un prétexte à une forme sublimée de narcissisme. Quand les agréments ou les intérêts disparaissent, la belle amitié peut s'évanouir.
- Le langage est inapte à exprimer la subtilité d'une idée en caricaturant le réel dans le conventionnel et l'utilitaire.
- Le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas. Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu'ils en ont.
- L'inquiétude est l'aiguillon qui maintient notre désir en état d'éveil. Ce qui est faux pour l'entendement peut être vrai sous des aspects perceptifs, symboliques.
- Ne pas vouloir la vérité contre la vie et être soi-même, l'artisan de la forme que l'on veut donner au monde est une révolte qui est, en même temps, un refus et une proposition. Décider de quelque chose, c'est toujours trancher sans pouvoir savoir si l'on a bien choisi. Défendre l'idée que le travail est une nécessité mais refuser qu'il soit une valeur.
- Le don n'est jamais réductible à un geste unilatéral. Derrière l'apparente générosité du présent, c'est en fait toujours une lutte de prestige qui se joue.
- Au creux du vide nourricier qu'est l'ennui, c'est l'exigence de donner un sens libre à notre existence qui nous est révélée. Pour réellement changer les choses, la solution n'est pas de prendre le contre-pied du problème, mais changer sa manière de penser le changement en sortant de son cadre.
- Il ne suffit pas de dire que la liberté s'éprouve pour la prouver. L'homme n'amasse pas plus mousse que pierre qui roule. La philosophie existentialiste nous apprend à ne pas distribuer de bons ou de mauvais points au nom de la liberté. Une action peut avoir des effets imprévus et non voulus par les intentions premières. Il ne suffit pas de dire que la liberté s'éprouve pour la prouver.
- La résistance est locale et ponctuelle dans des actions singulières plus que dans des groupements organisés. N'obéir à un chef qu'en ayant opiné aupravant de son propre chef.
- L'écriture produira l'oubli dans l'âme de ceux qui l'auront appris, parce qu'ils cesseront d'exercer leur mémoire.
- A trop valoriser la mémoire, on en oublie son côté mortifère. L'oubli dégage de nouveaux horizons et accorde d'écrire de nouvelles histoires.
- Se garder de tout esprit de sérieux, c'est comment écrire et lire de la philosophie. Son parfum est autre chose qu'une odeur de sainteté. L'avantage avec la philosophie, c'est qu'elle donne parfois à penser des problèmes que la vie se charge de résoudre.

Si Laurent Baffy parle de la vie comme "une période aléatoire entre le néant à le néant", il s'agit de s'inquiéter du processus à remplir entre les deux.
On est tenté de catégoriser les gens pour les insérer, au besoin, dans des statistiques pour les modèliser.
Cela aboutit, souvent, dans le caricatural et les clichés.
Avec l'allongement de la vie en ces temps bénis par la médecine, elle arrive à se diviser en quatre phases que l'on appelle pudiquement et, parfois, artificiellement "âges".
Le premier âge suivrait, selon une formulation générale, une formation intellectuelle ou manuelle pendant laquelle on sent que vu les difficultés, le jeune boit, progressivement, la "tasse".
Au cours du second âge, l'adulte se devrait de justifier la rentabilité apprise dans sa jeunesse, actif, parfois radio-actif, en creusant un sillon dans une carrière entre collègues où règnerait l'esprit d'équipe, assurer une suite par sa lignée et rester, en définitive, "à la masse".
Le troisième age, lors d'une retraite (semi-)assurée, l'adulte senior s'impatienterait d'y récupérer ses acquis, tout en étant poussé "à la casse".
Le dernier âge, lui, préparerait au repos éternel en laissant les dernières traces et en "vidant la tasse".
La boucle serait, ainsi, bouclée avec des cycles parallèles dans une sorte de course relais sans fin.
La vie active se perdait dans des convenances et des relations d'affaires.
Dès le troisième âge, c'est devenir un "has been" pour l'un, un "éléphant" pour l'autre. Ce ne serait pas un vrai problème s'il s'intégrait dans l'intérêt général et le respect des particuliers en restant aimé par ses contemporains, en gardant la santé pour ne pas tomber trop vite dans la dépendance.
Ce sont des voeux pieux et, parfois, terminer en espoir déçu dans l'ignorance de ses semblables de nos civilisations dites modernes, fonctionnelles qui, hypocritement, égoïstement, ne s'intéressent qu'au chacun pour soi.
L'argent et le pouvoir, restent, dans cette modernité, les seuls dérivatifs chez les "nominés" pour se payer une virginité. "A cash city", tout reste possible.
Pourtant, à tous les âges, il s'agit toujours d'exister, d'une envie d'exercer une activité, d'utiliser les expériences, de partager son vécu et sa vision dans l'actualité avec ses contemporains.
Pour l'individu, préparer sa sortie par la porte de service ou par celle des artistes, rend la retraite parfois difficile. Les anciens liens s'étiolent puisque les attaches professionnels n'existent plus.
Plus la perception du temps s'allonge, plus l'espace se réduit, c'est une règle de la physique.
S'instruire mutuellement devient le moyen de reconnaissance et le cri de ralliement.
L'écrivaine, Yasmina Reza met en scène des personnages contemporains, dont elles reflètent les défauts et le ridicule. La semaine dernière, questionnée au sujet de son dernier livre "Heureux les heureux", elle répondait: "J'aimerais toujours me sentir en devenir. La méditation mélancolique, la mort, les réflexions cocasses sur le couple font partie de mes livres. Le sentiment de ratage m'attire. La défaite m'intéresse surtout avec l'habit de la victoire, même, mêlé de secrets et de mensonges, dans une ontologie entre la naissance et la mort. Je déments être cruelle ou ironique avec mes personnages. Ils sont en totale symbiose, en totale empathie avec moi. Aucune émotion forte n'est d'une seule couleur. Douloureusement heureux, on a toujours quelque chose qui rappelle sa place et son prix dans le cours du temps. La brise qui disperse nos cendres n'est-elle pas le détail le plus important de notre destin?".
Internet a permis un transfert d'informations de génération en génération. Les contacts inter-générationnels se croisent, s'entrechoquent et les masques y tombent sous le couvert de pseudos.
Aucune recherche à fidéliser ces rencontres virtuelles, à priori.
Une fois sur la Toile, les vrais et les faux amis se cotoient alors que, souvent, seul des interlocuteurs plus ou moins valables avec des idées originales suffiraient.
La virtualité d'Internet au travers des réseaux sociaux est un "subset" de la vie réelle. Les philosophes étudient, depuis, ce milieu avec beaucoup d'intérêt.
Et pour cause, dans un tel environnement, pas question de jouer au Monsieur Loyal et de croire que les autres sont des clowns, à vouloir faire rire les enfants.
"Ne joues pas avec les autres. La roue tourne... Aujourd'hui, tu joues. Demain, tu seras le jouet".
C'est clair, l'homme est un être grégaire qui aime se sentir "normal" dans une virilité sociale.
La grande manifestation de dimanche en France posait la question du pluralisme et de la diversité en pointant les "autres d'anormaux" par les "dits-normaux". Excès de pruderie, de bigoterie, de religiosité, de soi-disant normalité?
Un philosophe répondait: "La famille est, à l'évidence, une cellule importante de la vie en société: simplement il n'y a plus, aujourd'hui, un seul modèle familial, mais une pluralité. Le vrai problème est donc ailleurs: il est dans la difficulté d'imaginer que lorsque, l'on ajoute des droits à des droits existants, une telle levée de bouclier soit possible. Ceci s'explique en grande partie par le fait que la France a, en matière de pluralité, une difficulté historique. Dans ce pays, domine une culture politique très homogène, qui estime que, lorsqu'un principe est édicté, lorsqu'un choix public est effectué, il doit nécessairement concerner la majorité, voire la totalité du corps social. C'est regrettable, car cela a pour effet de tendre très fortement le débat.".
Qu'est-ce que la normalité? Où se situe-t-elle?
Jeune, à boire la tasse? Adulte, à travailler en se mêlant à la masse? Et, en finale, se retrouver à la casse?
Ou plutôt se rendre compte qu'il y a des bons et des mauvais élèves, comme le faisait, avec beaucoup d'humour, ce matin, à la radio, Thomas Gunzig dans un café serré dont il a le secret?
On le rappelait hier encore, il y aura toujours des mafieux qu'il faudra contrôler et limiter dans leurs actions. Jouer aux gendarmes et aux voleurs à tous les âges et parfois trouver des ripoux.
Pas de saints sur cette planète. "Nous irons tous au paradis".
Le tout est de s’aguerrir, d'apprendre à reconnaître 'qui est qui' dans ce grand jeu de quilles et de réagir en conséquence.
Alain Baschung qui a eu des débuts très difficiles, son oeuvre s'est retrouvée à titre posthume.
Il chantait sur cet homme-là: "Il voyage en en solitaire", sur des paroles de Gérard Manset.
Il voyage en solitaire
Et nul ne l'oblige à se taire.
Il chante la terre.
Il chante la terre
Et c'est une vie sans mystère
Qui se passe de commentaires.
Pendant des journées entières,
Il chante la terre.
Mais il est seul.
Un jour,
L'amour
L'a quitté, s'en est allé
Faire un tour de l'autre côté
D'une ville où y'avait pas de place
Pour se garer.
Il voyage en solitaire
Et nul ne l'oblige à se taire.
Il sait ce qu'il a à faire.
Il chante la terre.
Il reste le seul volontaire
Et, puisqu'il n'a plus rien à faire,
Plus fort qu'un armée entière,
Il chante la terre
Mais il est seul.
Un jour,
L'amour
L'a quitté, s'en est allé
Faire un tour de l'autre côté
D'une ville où y'avait pas de place
Pour se garer
Et voilà le miracle en somme,
C'est lorsque sa chanson est bonne,
Car c'est pour la joie qu'elle lui donne
Qu'il chante la terre.
Alors, restons philosophes et respectueux de la vie dans toutes ses formes.
L'enfoiré,
Citations:
- « L'enterrement est la dernière sortie en boîte », Laurent Baffy
- « Une philosophie meurt nécessairement avec son philosophe... Une philosophie qui reste devient une religion.», Pierre Michel Duffieux
- « L’hypocrisie est seulement un hommage à l’intérêt.», Eduard Douwes Dekke
- « Mourir puis revenir, ce n'est pas une bonne expérience », Jean Bourgeois
- « Oh, quelle inextricable toile nous tissons, lorsque nous commençons à nous exercer au mensonge. », Sir Walter Scott